PREMIER BIVOUAC EN ITALIE
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Le plan de mon premier bivouac était très clair. J’avais repéré les lieux auparavant sur Komoot et Google Map, ils m’avaient confirmé ce petit coin d’herbe parfait, juste après le col des Radici dans les Apennins.
L’idée était de justifier le choix de mon itinéraire, accompagné de ses pentes à 15% avec un vélo pesant environ 20 kilos, afin de me récompenser d’un lever de soleil spectaculaire sur les monts environnants. Le concept était simple et efficace, mais la réalité technique dernière elle, l’était beaucoup moins.
Lors du planning de ce voyage, j’ai été une optimiste sans fin, pensant que sur une journée légère de 80 kilomètres, mettre tout le dénivelé possible (1700m) sur les 30 derniers kilomètres était une bonne idée. Mon idée de profiter d’une belle vue à l’arrivée et d’apprécier petit à petit les montagnes avoisinantes fut sérieusement compromise par ma lenteur.
J’arrive de nuit, il est 21h et ça fait maintenant 2 kilomètres que je pousse mon vélo dans une pente (encore une!) à 15%. Je n’arrive toujours pas à savoir si cela est le résultat d’une mauvaise organisation, ou d’un optimisme sans fin quelques jours auparavant devant mon ordi.
Après ce chemin passé, j’arrive enfin sur le Col des Radici et c’est avec enthousiasme que je m’élance vers ce petit morceau d’herbe, repéré par satellite pour y planter mon campement. Je m’éloigne de la route principale et commence ma dernière montée: l’idée étant d’être loin de la route afin d’éviter toutes attentions malvenues et de passer ma première nuit en bikepacking seule de la meilleur façon qui soit. L’idée, sur papier, est brillante.
En réalité, c’est un peu différent. J’ai continué à monter et derrière un virage ma lumière a éclairé un homme, seul, dans sa voiture, les lumières éteintes. Je n’ai même pas eu le temps de faire quoique ce soit qu’il me demande tout de suite "Sei da sola?”.
Sur le coup, je suis furieuse. Le plan était parfait, j’avais pris toutes les précautions pour éviter ce genre de situations douteuses et me voilà au milieu de nulle part, avec un homme seul, dans le noir à 23h. Je prétends attendre quelqu’un et je fais même semblant de l’appeler pour lui dire que je vais redescendre. Je n’attends pas une seconde et je me tire!
Je ne sais pas trop quoi faire. Il était trop tard pour me mettre à chercher un nouveau spot et je n’étais pas prête à renoncer à cette idée de lever de soleil spectaculaire sur les montagnes. Je décide d’éteindre toutes mes lumières et je m’éloigne jusqu’à être hors de vue de ce virage en épingle. J’attrape mon vélo et je décide de monter à même la montagne, en portant, ou plutôt en traînant mon vélo avec moi. Je ne sais pas sur quoi je marche, le sol est loin d’être plat mais mon but est clair: je veux m’éloigner de cette petite route, elle-même loin de la route principale.
Je cherche un endroit plus ou moins plat et décide d’attendre que la voiture parte pour installer ma tente. J’attends un bon moment. Le vent commence à se lever et je me rends compte que j’avais oublié que même en été, à 1600m d’altitude, la nuit il peut faire froid. Pour passer le temps, je décide de prendre des photos de la Voie lactée, dans le noir. C’est une tradition sur laquelle je veille presque religieusement, chaque nuit des Perséides le 11 août, jour de mon anniversaire. Je trouve un moyen de fuir la ville et je photographie les étoiles filantes et le mouvement de notre galaxie. Je mets mon trépied en place: oui, le même que je me suis trimballée pendant deux semaines tout au long de mon voyage. Et pour lequel j’ai probablement du dire au revoir à des chaussures confortables, ou à ce pull qui m’aurait bien servi cette nuit là. Bien que je vois à peine la Voie lactée, après quelques réglages, celle-ci apparaît sur l’écran LCD de mon appareil photo. C’est à peine perceptible à l’oeil nu mais pixel par pixel, la taille gargantuesque de l’univers se dessine. J’en oublie le ridicule de la situation, l’attente sur cette montagne que cet homme mystérieux décide enfin de rentrer chez lui, et monter ma tente.
Pendant que je prends des photos, j’entends une voiture et je le vois. Il ralentit mais ne s’arrête pas. Je le vois disparaître vers le col. C’est avec victoire que je range mon appareil et décide de monter mon bivouac. Je ne trouve pas les piquets et décide de faire sans. Je rentre dans ma tente et je ferme enfin les yeux.
Puis soudainement, maintenant que l’adrénaline m’a quitté, j’entends le vent, celui qui fait claquer furieusement le toit de ma tente. Je commence à écouter ce bruit et mon esprit enclenche ce qu’il sait très bien faire: l’imagination. Je commence à être convaincue que cet homme est revenu à pied et, est en train de faire claquer le toit de la tente pour me faire peur. Oubliant toute rationalité, je saisis mon trépied dans les bras avec le coeur battant à 100 à l’heure. Je décide d’ouvrir l’entrée de ma tente, en brandissant mon trépied et en criant “BASTA!!” à la nuit. Sans surprise, armée de ma lampe frontale, je regarde autour de mon campement, il n’y a personne. Et bien heureusement! Juste la nuit et le vent. Il est maintenant minuit et la fatigue arrive à calmer peu à peu mon imagination. Mon coeur se calme et je m’habitue enfin aux claquements de la tente pour m’endormir.
Le lendemain, les couleurs orangées du paysage m’ont réveillé. J’oublie tout de la nuit dernière et j’ouvre la tente pour découvrir où je suis. Sur un fond de lever de soleil spectaculaire, je découvre les sommets des Apennins, un par un, baignés dans la lumière du soleil. Je regarde autour de moi, je me suis installée dans un champs de myrtilles. Et les piquets de la tente sont juste là, à côté de mon vélo.
Je décide d’aller marcher et de profiter de tout le travail fait la veille pour trouver ce petit coin de paradis. J’ai survécu à ma première nuit de bivouac en voyage: il faut bien célébrer ça !
Je mets ma tenue d’aventurière, c’est-à-dire que je reste en pyjama en ajoutant une paire de tongs, et je m’aventure sur le sommet le plus proche. Bien que plus petits que les alpes, les Apennins n’ont pas à rougir. Bien au chaud dans leur manteau crépusculaire, j’essaie d’appréhender ce qui m’attend pour le reste de la journée. Une descente sur Massa, mais avant il faudra grimper sur le Col des Vestitit.
Je redescends vers mon vélo et je décide de tout ranger. Je suis fin prête à partir et c’est avec enthousiasme que je fais mes premiers mètres avant de me rendre compte que j’ai crevé. Dans mon malheur, je me trouve sacrément chanceuse de me rendre compte de cette crevaison maintenant et pas dans les 5 derniers kilomètres d’hier soir. Cette sensation de chance diminue au fur et à mesure que la douleur dans mes pouces augmente et après 30 minutes à m’acharner sur mon pneu arrière, celui-ci continu de me narguer accroché à la jante. Malgré le fait que je me suis éloignée du chemin principal, je croise bien des gens, notamment des randonneurs, mais je n’attire rien d’autre que de la sympathie lointaine. “Che peccatto, una gomma a terra!”
Après une heure, je n’ai définitivement plus d’enthousiasme et je regarde avec dédain cette union de pneu/jante qui joue contre moi. Puis, comme un miracle, une Jeep arrive au milieu de nulle part. À l’intérieur, deux hommes et une phrase: “Hai bisogno di un mano?”
Je pense à toute ma fierté et à toute ma volonté de faire les choses par moi-même. Puis je regarde mes pouces et les rougeurs sur mes doigts. Je leur répond “Si, per favour.” En 5 minutes, l’affaire est pliée: le pneu est démonté, la chambre à air remplacée, le tout regonflé et remis sur le vélo. Je les remercie sans fin et ils repartent sans un mot, leur bienfait accompli.
Il est maintenant 10h du matin, et j’ai l’impression d’avoir déjà passé une journée bien remplie. Pour couronner le tout, je m’apprête à partir quand je vois un mouton arriver. Puis deux, puis trois… Puis soudainement, je suis entourée par tout un troupeau. Je les vois se jeter sur le champs de myrtilles et je repense à ma tente qui était juste là, 2h plus tôt.
Je remercie ma bonne volonté de me lever tôt et de ne pas avoir céder pour une grasse matinée, qui se serait probablement transformé en matinée de documentaire animalier. Je remonte enfin sur mon vélo et je file vers San Pelligrino, descendant des virages à 18% et me répétant à moi-même “Ce n’était que le premier jour.”
Il n’en reste plus que 12.
Texte et photos de Sabine
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My first bivouac was very well planned. Careful planning on Komoot and Google Map made me decide on that green spot of grass, right after the Vestiti Pass in the Apennines.
The idea was to guarantee me a groundbreaking sunrise above the Apennines and make all that suffering of going up 15% slopes on a 20-kg bike worth it. The idea was, indeed, grandiose. The technical reality of it, though, was painful. I had been very optimistic about myself, thinking a 80km bike packing ride with 1700m in D+ all grouped up in the last 30k, was a great idea for a beginner. My idea of taking in the neighbouring landscapes and the progressive entry in the mountain range was halted by the fact that I had been so slow, that I had arrived at night. I even spent the last 2 km pushing my bike up a gravel path, which I could not figure if it was the result of bad planning, or if it was part of the optimistic plan where I thought that it'd be fun to end the day on a dirt path at 15%.
I finally passed the Passo Delle Radici and was riding with enthusiasm to my planned-in-advance green spot of grass to lay my tent there. I found the path parting from the main road and started my last climb: the idea was to be far away from the road to avoid any unwanted attention and to have a safe night as a solo-female bike packing cyclist. Brilliant idea, really.
I ride and ride, till at a turn, suddenly, my lights flash a man. In his car. Lights turned off. Alone. I don't have the time to be mad about it that he asks "Sei da sola?"
I'm mad. The plan was perfect, I had taken every precaution to avoid dodgy situations and now, on my camping spot, is a man alone at 11 p.m. in his Fiat. I fake another rider, waiting for him down the road, and decide to quickly ride away.
I don't know what to do. It is too late to find another spot and I certainly didn't do all this biking in the mountain not to have my grandiose sunrise. I decide to turn off all my lights and try to get out of view of the car. Once I find myself far enough, I decide to get off the bike and hike my bike up the mountain. I don't see where I'm walking and I'm just trying to get as far away as possible from the dirt road. I reach a flat-ish spot and decide to wait there. I'll wait till the car drives away and I'll set camp.
I wait for a while. The wind picks up and I forget that at 1600m of elevation, even in August, it can be frisky. To pass the time, I decide it is time to take pictures of the starry sky. This became a yearly tradition: my birthday being on August 11th, during the perseid meteor shower, I made it a ‘must’ to take the time, at least one night in the middle of August, to spend the night outside and look up. I set up my tripod, which I carefully carried for two weeks on my bike for this moment, and start shooting pictures. I barely see the Milky Way but I try my best. After several tries, I finally start to get some results. The camera becomes my eye for the night and through the LCD screen, I see what is barely perceptible to the naked eye in front of me. For a moment, I forget the silliness of the situation: myself, in the dark, waiting for a mystery man to go away to finally sleep.
While taking pictures, I hear a car drive away and I finally see him. He slows down but doesn't stop. He finally disappears down the pass.
Victoriously, I put away my camera and tripod and finish setting up camp. I can't find my tent pegs and I end up thinking I left them behind. So I decide to just do without them and I get in the tent.
Then suddenly, now that all adrenaline has worn down, I start hearing the tent flapping in the wind. I start to pay too much attention to the noise and I slowly convince myself that someone is trying to mess with me. I think of the man I saw earlier and wonder if he is the one flapping my tent to scare me. I hold my photo tripod against me, ready to strike, before opening the zip of my tent suddenly and yelling "BASTA!!" Into the night. I use my hand lamp to look at what's ahead and face my assailant.
But there's nothing. Just the night, and the wind, responsible for the flapping. It's close to midnight now, and the fatigue is starting to take over the fear. Progressively, I calm the scared heartbeats that react at the faintest sound and I finally fall asleep.
The morning light slowly greets me. I forgot all about last's night fear and it takes me a while to figure out where I am. I open my tent and I can finally discover where I am. Greeted by the Apennines and the glowing sun on their peaks, I've set my tent on a blueberry field.
The tent's pegs are right there, next to my bike.
I decide to take the time to go for a walk and take in the mountains and all the path I've made the day before. I'm alive, I've survived my first bivouac alone and all is well. The glorious sunrise I promised myself is here and I'm here to take it in.
I look back and I see it: my tiny tent and my bike, in a blueberry field, surrounded by the Apennines. It all feels glorious.
Taking in the morning light, I decide to go for a hike in my best equipment. It is in my pajamas and my only non-cycling shoes (worn-off and 6 year-olds flip-flops) that I hike my way up the nearby hill. The mountains and nearby peaks all greet me in their golden morning cloaks.
I go back down, start packing and get my bike ready. I am ready to go and enjoy the second part of the Apennines, direction towards Massa. The joy of a new departure lasts about 30 seconds, where I am forced to stop and look down at my back wheel. I have a flat.
Surprisingly, I couldn’t find a better timing than this. When I think of the struggle of the previous night, carrying up my bike through gravel paths at 10 p.m., a flat in the morning light seems perfect. What is less perfect, is the battle I am starting to fight with my tire. Since I am in the middle of nowhere, I don’t have a lot of company. I do see two hikers, passing me, and throwing me a kind “Che peccatto, una gomma a terra!” Which proves to be quite unhelpful.
After half an hour, the adrenalin is wearing off and the enthusiasm has now gone somewhere else. Miraculously, a jeep comes out of nowhere and two men stop lower their windows.
After half an hour and no progress, a jeep comes out of nowhere. Aboard, two men stop and ask “Hai bisogno di un mano?”
I think of all my pride and my will to do things on my own. Then I take a look at my red thumbs and my bruised fingers from trying to remove the tire. I reply “Si, per favour”
In 5 minutes, they remove it, swap the inner tube and reposition the tire. I profusely thank them while they just shrug and drive away.
It is 10 a.m. and my day is already quite eventful. To crown it all, as I am ready to go again, I find myself surrounded by sheep. I look behind me and see a shepherd afar tending his herd. The sheep are taking over and devouring everything they find on their passage. I look at where my tent stood, an hour ago.
Thankful I didn’t try to sleep in, I get back on my back and start the long descent from San Pellegrino, keeping in mind the same few words: “This is just day 1.”
Twelve more days to go.